Ben mon collomb…

 

Il y a cent ans, pendant la première guerre mondiale, démissionner devant les difficultés à venir, bien connues de tous(*), s’appelait « abandon de poste devant l’ennemi » et entraînait la peine de mort.

Marcel DURY, de Varennes sous Dun, caporal au 174e Régiment d’Infanterie, se trouvait depuis début mars 1915 en Champagne.

1914Marcel2

document Sébastien Langlois

Le 3 avril 1915, au petit matin et sous la pluie, il assiste avec toute la Brigade à quatre exécutions capitales, à Saint Amand sur Fion, « une parade d’exécution militaire », comme le précise le Journal du 170e Régiment… Parmi les exécutés figure Lucien Eugène Mervelay, 29 ans, soldat dans le même Régiment et le même Bataillon que Marcel. Un gars du Nord, tatouages aux bras et aux jambes, déjà passé par les 3 ans de service militaire.

Le 12 mars 1915, le 174e avait attaqué vainement pendant deux heures dans le secteur de Mesnil les Hurlus : l’assaut était « salué par un feu violent de mitrailleuses » et faisait 46 tués, 89 blessés, 158 disparus.

Le lendemain,  à 10h une nouvelle attaque était lancée, « elle est immédiatement arrêtée par les Allemands qui ouvrent une très vive fusillade et un feu violent de mitrailleuses. Cette attaque n’étant soutenue ni à droite ni à gauche, échoue. » L’après-midi, une nouvelle offensive est demandée par le général de Division mais l’ordre arrive trop tard.

Le soir, le 174e attendait dans un boyau l’ordre de repartir à l’assaut. Les versions diffèrent ensuite. Son lieutenant indiquera que le soldat Mervelay a été touché dès l’assaut. D’après Mervelay, on l’a envoyé chercher des fusées au poste de commandement sous une fusillade intense. Au bout d’une centaine de mètres, il reçoit une balle dans la main, son fusil a été brisé.

En réalité, il le reconnaîtra plus tard, il s’est blessé volontairement en se tirant dans la main avec son fusil. « Quand j’ai fait cela, confesse-t-il devant le Conseil de Guerre, j’étais comme fou, je ne savais plus ce que je faisais. »

Lors de cet assaut, son Bataillon qui était en première ligne perd 21 tués, 93 blessés, 7 disparus.

Le 1er avril suivant, le Conseil de guerre le condamne à mort à l’unanimité. Trois jours plus tard, à 7h45, devant près de 6000 soldats de la Brigade rassemblés en armes, un piquet d’infanterie fait feu sur le condamné…

fusillés

Monument à la mémoire des caporaux de Souain fusillés pour l’exemple le 17 mars 1915

Les trois compagnons d’infortune de Mervelay, coupables du même crime par blessure volontaire :

  • Charles Auguste Joseph CAILLERETZ  né le 11/05/1890 à Berles (62) Soldat 1ère classe au 8ème R.I.– désertion le 7 mars 1915 Mesnil les Hurlus
  • Louis Joseph GRARD  né le 26/03/1893 à Provin (59) Soldat au 127ème R.I. – désertion le 2 mars 1915 Mesnil les Hurlus
  • Marcel Théobald POLLET  né le 06/06/1891 à Lille (59) Soldat au 72ème R.I. – désertion le 24 février 1915 Mesnil les Hurlus

« Je regarde ces morts. Je pense au motif de leur exécution. J’évoque l’enfer des Hurlus. Mais quelle leçon pour les spectateurs terrifiés. C’est l’excuse de cette lente et sinistre cérémonie à laquelle on a eu tort de faire assister notre drapeau. Comme ils sont pâles ces colonels, ces officiers, ces soldats qui regagnent Saint-Amand sous la pluie fine. Et comme ils sont silencieux… »

Maurice Bedel – Journal de guerre 1914-1918 – Tallandier octobre 2013.

 

 

(*) «Parce que oui aujourd’hui, c’est plutôt la loi du plus fort qui s’impose, des narcotrafiquants, des islamistes radicaux, qui a pris la place de la République (…), Parce que, aujourd’hui, on vit côte à côte et je le dis toujours, moi, je crains que demain, on vive face à face. Et donc, nous sommes en face de problèmes immenses. » Ministre de l’Intérieur démissionnaire, 3 octobre 2018